Les fantômes de Karachi
Ecrit et réalisé par David Muntaner.
Mention spéciale du jury FIGRA 2021
Sélection DIG Award 2021
C’est un rectangle de béton immense, massif, planté en plein cœur des quartiers nord de Karachi. Deux cent cinquante mètres de long, cent vingt de large, c’est l’échelle du monde des 1700 patientes qui vivent entre ces quatre murs. Jour et nuit des plaintes, des lamentations et des cris s’en élèvent. La maison Bilquis Edhi, c’est le plus grand hôpital psychiatrique pour femmes de toute l’Asie… Pourtant les femmes qui sont soignées ici ne sont pas toutes des malades mentales. Loin de là. Elles sont des victimes. Victimes de la violence de la société, de celle des hommes. Lorsque leur mari a pris l’habitude de les frapper, lorsqu’il décide de les répudier, lorsque leur belle-famille les maltraite, elles se retrouvent seules et sans avenir. Leur propre famille leur fait porter le poids de l’échec de leur mariage et les rejette… Incapables d’assumer, fragilisées, humiliées, elles basculent alors lentement dans la folie. Le seul endroit où elles peuvent se réfugier alors, c’est le centre Bilquis Edhi. Au Pakistan, l’ONG Edhi est partout. Elle a remplacé dans de nombreux domaines, un état absent. Elle gère des orphelinats, des maternités, des services d’ambulance et des lieux comme celui-ci : moitié hôpital psychiatrique, moitié centre d’accueil d’urgence pour les femmes... Cette nuit encore, les volontaires d’Edhi sont appelés dans un commissariat pour récupérer la petite Fareeda, 13 ans. Elle est un peu dérangée et a été abandonnée par ses parents dans la monstrueuse ville de Karachi. La folie fait peur, elle porte la honte sur toute une famille. Fareeda finira certainement sa vie chez Edhi. Elle croisera Nazish. Cette jeune femme, regarde le ciel à travers les barreaux depuis 12 ans. Depuis que son mari l’a faite interner ici. Il y a encore Hira, 30 ans que son père a déposé chez Edhi il y a dix ans parce qu’elle souffrait d’une dépression. Aujourd’hui elle est guérie mais son père refuse de la laisser sortir. Il a « suffisamment de fils dont il doit s’occuper ». Et puis il y a le Dr Shabana. Elle a perdu pied le jour où son fils est mort de fièvre. Elle n’oubliera jamais les accusations de son mari avant qu’il la chasse de leur maison : « Tu as été incapable de t’occuper de mon fils. Il est mort à cause de toi » …
A Karachi, le centre Bilquis Edhi est le seul hôpital psychiatrique gratuit du pays. En réalité il est bien plus que cela. C’est le refuge de toutes celles qui ne savent plus où aller...
Une co-production Memento et Arte
2020